Pourquoi le bal historique renaît-il ?
La danse de bal, le bal, la danse collective et la danse disparaissent de manière évidente avec la second moitié du XXe siècle. Pourtant, la danse était encore au cœur de la vie sociale de nos arrières grands-parents, mais également le centre de la vie publique, de la vie politique, de la vie diplomatique..
Combien de livre, d'opéra, de pièce de théâtre relatent l'importance des bals... Le Bal masqué, Anna Karenine, Don Giovanni, les Indes Galantes....
La disparition progressive du bal, de la danse de bal et des danses collectives au cours de la seconde moitié du XXᵉ siècle n’est pas le fruit du hasard : elle est le résultat de transformations sociales profondes qui ont bouleversé la manière de vivre ensemble.
Que s’est-il passé pour qu'un élément aussi structurant de notre société disparaisse ?
Plusieurs facteurs sociétaux se sont mis en tension pour obtenir la fin d'un élément aussi structurant de notre société qu'est le bal.
1. L’individualisation de la société
Jusqu’aux années 1940–1950, le bal était un lieu essentiel de sociabilité : on y allait pour rencontrer, se présenter, intégrer la communauté.
À partir des années 1960, avec l’essor du confort domestique, des loisirs individuels et d’une culture centrée sur la liberté personnelle, la logique se renverse :
- on ne vit plus avec le groupe, mais à côté des autres,
- les loisirs deviennent personnels,
La danse cesse d’être un langage social partagé pour devenir une expression individuelle. L'individu n'a plus besoin de s'inscrire dans une communauté pour exister, l'individu recherche même son expression par sa propre individualité. La pratique de la danse pour intégrer un groupe perd tout intérêt, seule la pratique de la danse comme expression de sa singularité peut exister.
On ne vit plus avec le groupe, mais à côté des autres ; les loisirs se privatisent ; la danse cesse d’être un langage social partagé pour devenir avant tout une expression personnelle. L’individu n’a plus besoin de s’inscrire dans la communauté pour exister : il cherche plutôt à affirmer sa singularité.
Les individus vont par exemple rechercher la pratique de la danse de salon (standard et latine) principalement via la compétition, ou encore, la pratique de la danse classique dans une optique de danseuse étoile, celle du tango argentin, qui s'inscrit dans une individualité de couple au milieu d'une foule.
Dans ce nouveau cadre, la pratique dansée se transforme, par exemple :
- la danse de salon (standard et latine) est souvent recherchée sous sa forme compétitive ;
- la danse classique est envisagée dans une perspective de performance individuelle ;
- le tango argentin valorise l’expression d’un couple isolé au milieu de la foule.
Le XXe siècle transforme la danse comme langage social partagé pour devenir une expression individuelle.
2. La fin d’une culture des codes
La danse de bal repose sur des règles :
- apprendre des pas,
- respecter un protocole,
- suivre un rythme commun,
- interagir poliment avec un partenaire.
Or la deuxième moitié du XXᵉ siècle valorise la spontanéité, l’improvisation et la liberté du geste. Les codes deviennent suspectés d’être contraignants, voire “datés”.
La danse codifiée peine ainsi à trouver sa place dans une société du XXe siècle qui aspire de plus en plus à s’affranchir des cadres et à privilégier l’expression personnelle.
Le XXe siècle s'affranchit de la danse afin de s'affranchir de la culture des codes hérité de la société.
3. L’effacement des lieux traditionnels
Les bals de quartier, les salles de fêtes communales, les salles de danse et les salles de bal disparaissent progressivement tout au long du XXe siècle.
Sous la pression foncière et la poussée de l'urbanisation, toutes les salles de bal sont progressivement remplacées pour divers usages. La salle de bal de l’hôtel particulier Murat, au 28 rue du Parc Monceau, autrefois l’une des plus grandes de Paris, n’existe plus ; la salle de bal du palais de l’Élysée est désormais réservée aux conférences de presse ; le foyer de l’Opéra de Paris, jadis dédié au Bal de l’Opéra, interdit aujourd’hui la danse pour préserver ses parquets...
La ville moderne absorbe ou neutralise progressivement ces lieux autrefois consacrés à la sociabilité dansée.
La seconde moitié du XXe siècle voit également l'apparition de nouveaux lieux de danse pour assurer la pratique des derniers danseurs : les dancings et les discothèques, Ces lieux de danses apparaissent dans le cadre de pratiques industrielles et commerciales que l'on évoquera plus tard. Ils ont fini par disparaître avec le tout début du XXIe siècle.
- Les dancings — ces salles de danse où l’on dansait en couple sur des musiques de bal moderne (fox-trot, java, valse, paso doble…) — ont presque entièrement disparu à partir des années 1970–1980.
À partir des années 1930 puis surtout après-guerre, les dancings deviennent les nouveaux espaces de danse de couple. On y danse le fox-trot, la valse, la java ou le paso doble, souvent au son d’orchestres amateurs ou professionnels. Mais ces lieux s’adressent principalement à un public adulte, qui vieillit au fil des décennies, tandis qu’une nouvelle génération se tourne vers les discothèques.
De plus, les dancings utilisaient des orchestres amateurs et professionnels dont la disparition (pour les mêmes raisons que la danse que nous sommes en train d'évoquer (individualisation, industrialisation...) ont accéléré la chute.
Les dancings ont été rachetés et transformés en discothèques dans les années 70–80 ou reconvertis en salles polyvalentes, restaurants ou salles communales.
Bien sûr, l'on peut constater quelques survivances sous forme de guinguettes, de thés dansants, bals folks ou de soirées rétro.
Les dancing n’ont donc pas survécu comme modèle culturel. - Les discothèques ont remplacé les dancing à partir des années 1970, à l’époque du disco, de la pop et du rock.
L'apogée des discothèques se situe dans les années 1980–2000. Elles sont alors le lieu central de la sociabilité nocturne. Enfin, la danse retrouve un lieu de pratique, qui correspond aux aspirations de la société du XXe siècle : une affirmation de soi dans un espace d’expérimentation identitaire (mode, musique et sexualité).
Les discothèques s'accompagnent de plus d'une nouvelle figure culturelle qu'est le DJ. Ce dernier lance des modes, crée une nouvelle musique vivante loin des standards et des codes des orchestres.Cependant, les discothèques ne survivront pas au déclin progressif à partir des années 2010.
Ces dernières sont alors frappées par plusieurs tendances structurelles :
- le dernier sursaut de l'individualisation de la danse, via les soirées à domicile, qu'a permis la musique en streaming mais surtout l'avènement des réseaux sociaux, qui ont ouvert sur le monde nos intérieurs.
- le déplacement de l’expérience nocturne, qui se sont vu préférer la consommation d'alcool et de substances dans les bars dansants, les festivals, les open-air, les clubs éphémères ou les scènes techno.
- le durcissement réglementaire, que ce soit les normes de sécurité, de lutte contre l'alcool et les drogues, les contraintes de voisinage et enfin les nouveaux coûts d’exploitation élevés.
- la mutation des goûts musicaux avec la montée de la culture électronique, du hip-hop, du DJing spécialisé.
- la transformation des logiques de rencontre, qui ne nécessitent plus de discothèque puisque de simples applications ont en partie remplacé la fonction “rencontrer quelqu’un en soirée”.
Beaucoup de discothèques ferment ou se transforment en clubs hybrides, bars musicaux, lieux événementiels, ou espaces dédiés à des soirées thématiques.
Sans lieux, une pratique s’éteint. Prenons par exemple les championnats de danse sportive qui s'établissent maintenant systématiquement dans des gymnases prouvent que la pratique de la danse, même la plus officielle ne possède plus de lieu qui lui soit dédié. L'obtention d'une salle est pour les structures de danse et les organisateurs de soirée le combat le plus difficile et le plus honéreux.
Sans lieu dédié à la danse, la pratique même de la danse disparaît.
Privée d’infrastructures, la danse sociale disparaît peu à peu avec les lieux qui la faisaient vivre.
4. Disparition des orchestres
Comme pour la danse, la pratique vivante de la musique décline à la fin du XXᵉ siècle. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : individualisation croissante de la société, disparition de la culture des codes, effacement progressif des lieux traditionnels de sociabilité… Dans ce contexte, les orchestres amateurs se raréfient, jusqu’à presque disparaître.
Or la danse est indissociable de la musique. Certes, l’on peut danser sur de la musique enregistrée, mais lorsque des musiciens amateurs ne se réunissent plus spontanément pour jouer ensemble, on retire à l’assistance la possibilité même d’être entraînée par une musique vivante, de ressentir l’envie immédiate de danser, puis — naturellement — de vouloir apprendre à danser.
Et si danser avec un orchestre comporte quelques contraintes, comme la nécessité des pauses ou l’imprévisibilité du jeu, cela n’enlève rien au fait que danser sur de la musique vivante est un plaisir incomparable. Un orchestre qui connaît la musique de danse sait introduire les variations nécessaires, les interruptions complices, les accélérations facétieuses qui dialoguent avec les danseurs et les invitent à jouer avec lui. Cette interaction, ce “souffle” partagé, aucune bande sonore ne peut le remplacer.
Ainsi, la disparition des orchestres amateurs entraîne-t-elle mécaniquement celle de la danse de bal : lorsque la musique vivante s’éteint, c’est toute une culture de la danse, spontanée, collective et joyeuse, qui s’efface avec elle.
5 La transformation du rapport au corps
Autrefois, danser signifiait maîtriser son corps, le présenter, l’inscrire dans une esthétique collective.
À partir des années 1960, on passe à une danse centrée sur :
le défoulement,
l’expression personnelle,
l’absence de contact codifié,
l’énergie plutôt que la forme.
Le corps cesse d’être socialisé par la danse.
5. Le bouleversement des rôles sociaux
La danse de couple reposait sur des rôles asymétriques mais complémentaires.
La remise en cause de ces rôles — ce qui est légitime — s’est paradoxalement accompagnée d’une désaffection pour les danses où le dialogue corporel nécessite une structure.
Faute d’avoir été repensée, la danse de bal a été simplement abandonnée.
6. L’arrivée des écrans et du loisir passif et et et et industrialisation du loisir,
Télévision, puis Internet, puis smartphone :
on passe d’un loisir actif et collectif
à un loisir passif et individuel.
La danse, art profondément social, souffre immédiatement de cette mutation.
- individualisation de la société
- perte des repères et des valeurs
- Les loisirs deviennent individuels : télévision, cinéma, sports solo, jeux vidéo.
8 Professionnalisation des pratiques
Comme pour la musique, la danse se professionnalise, elle se regarde, elle ne se pratique plus.
9 perte de la culture de l'effort
on ne veut plus d'apprentissage, on veut bien être dans une chorale, mais pas dans un orchestre
7. Dispartition des bals officiels, du bal de l'opéra, du bal des débutantes
- Les espaces de rencontre se fragmentent : plus de salons communs ou de bals de quartier, mais des lieux dispersés et thématiques.
- La sociabilité codifiée disparaît : la danse de couple, le quadrille, le cotillon imposaient des règles partagées ; aujourd’hui, chacun “danse comme il veut”.
- l’industrialisation du temps libre,
- les loisirs payants (cabarets, music-hall),
- puis les loisirs passifs (cinéma, télévision).
- La danse n’est plus ce qu’on fait ensemble, mais ce qu’on regarde.
- Pendant des siècles, on dansait sur ce que l’on jouait soi-même : la musique appartenait à ceux qui la faisaient. Avec le disque, puis le streaming :
o on consomme de la musique,
o on n’en produit plus ensemble.
- La danse perd son vivant, son enracinement : elle devient accompagnement d’une bande-son.
- La danse collective imposait des règles communes : des pas, des figures, des codes sociaux.
- La modernité valorise l’expression de soi, l’improvisation, la spontanéité. On danse “comme on veut”.
- Mais ce qui est gagné en liberté individuelle est perdu en langage commun.
- Autrefois, le bal était :
- le lieu des rencontres,
- l’espace où l’on se présentait,
- un apprentissage social de la courtoisie.
- Nos sociétés ont abandonné ces codes. La danse n’a pas disparu comme geste, mais comme institution sociale.
Résultat : le bal perd sa fonction sociale première, celle de lier les individus dans un cadre collectif.
Mai 68 sera le coup de grâce du bal et de la danse…
Pourtant, l’on observe plus qu’un regain… mais une véritable mode qui commence à s’installer sur le long terme, comme le prouve le Bal du Siècle du château de Versailles….
La nouvelle génération en particulier veut du bal et veut danser en collectivité :
En effet, la danse n’est pas seulement un art, un sport ou un loisir : c’est un langage social et corporel. Elle offre à celui qui la pratique :
1) Une conscience du corps
Apprendre à marcher, à se tenir, à tourner correctement, à mener un pas, c’est apprendre à habiter son corps avec précision. La danse développe :
• l’équilibre,
• la mémoire physique,
• la coordination,
• la maîtrise du souffle,
• la posture.
Ce n’est pas un geste “pour la scène”, mais une éducation corporelle.
2) Une éducation de la relation
La danse de couple, du XIXᵉ surtout, repose sur :
• la politesse du contact,
• le respect de l’autre,
• la communication silencieuse,
• l’écoute du partenaire.
On n’impose pas une valse : on l’invite, on la partage. C’est une éthique.
3) Une appartenance
Danser ensemble, c’est se reconnaître dans une communauté temporaire, comme autour d’un repas ou d’un chant. On entre dans un monde commun, réglé, mais joyeux. On en ressort différent, moins seul.
Ce que la danse historique réintroduit aujourd’hui
La danse historique répare quelque chose que nos sociétés ont perdu :
• la joie d’être ensemble,
• l’élégance de la relation,
• la maîtrise du geste,
• le goût d’une culture commune.
Elle répond, paradoxalement, à un besoin très contemporain : retrouver du lien, du sens, une mémoire du corps, et une sociabilité plus humaine que les écrans.
QUE FAIRE POUR FACILITER LA REPRISE DE CES BALS, POUR QUE LE MOUVEMENT CONTINU ?
1) redonner le goût de l'effort, la danse est un travail de remise en question permanent...
Grand Bal de Tournai 2025 - Senso 1866
Dans le cadre de notre grande épopée des Trois Bals, l'équipe de Carnet de Bals a fait escale...
Anachronisme sur une affiche ou Engouement pour la Danse historique ?
📢 Réflexion sur la Danse historique et la renaissance du bal 🎭💃Depuis des décennies, le bal...
Bal du 15e : une réussite à dimensions multiples
Le Bal de la Mairie du 15ᵉ a été une réussite indiscutable, affirmant la force et la portée de...
Pierrefonds-les-Bains, une réussite sportive
Chers Amis,Nous avons enfin vécu l'événement tant attendu : la Première Série de...
Bal au Royaume de Belgique : "Quand Sissi reçoit Napoléon III"
Comme chaque année depuis plus de 10 ans, Carnet de Bals a eu l'honneur d'animer et de...
Bal des prodiges
Carnet de Bals remercie très chaleureusement le Conservatoire à Rayonnement Départemental...